Éditeur : AU VENT DES ILES
ISBN numérique ePub: 9782367345185
ISBN numérique PDF: 9782367345192
Parution : 2024
Catégorisation :
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C’est un fait, la prison fascine. Avant tout parce qu’elle fait peur, ce qui est précisément une de ses fonctions. Mais cette peur semble alimentée par une méconnaissance des réalités de la vie en détention ainsi que des caractéristiques de ceux qui sont privés de leur liberté. Les chercheurs en sciences humaines Marie Salaün et Jacques Vernaudon se sont penchés sur l’espace carcéral en Polynésie française à travers une enquête dans les deux principaux établissements pénitentiaires de Tahiti : Tatutu-Papeari et N uutania.En allant à la rencontre de détenus, de leurs proches, de surveillants et conseillers d’insertion et de probation, on découvre une réalité non fantasmée, et on apprend ce que la prison nous dit de la société polynésienne aujourd’hui. Marie Salaün est anthropologue, professeure à Université Paris Cité. Elle travaille depuis 2010 en collaboration avec ses collègues de l’Université de la Polynésie française. Jacques Vernaudon est linguiste, maître de conférences à l’Université de la Polynésie française depuis 2013, après avoir enseigné en Nouvelle-Calédonie pendant douze ans. Suite à une enquête commanditée par la mission des services pénitentiaires de l’Outre-mer en 2019, Marie Salaün (anthropologue), Jacques Vernaudon (linguiste), en collaboration avec Mirose Paia (spécialiste en langues et littérature polynésiennes), se sont penchés sur la prison en Polynésie française, plus spécifiquement à Tahiti. Ils sont partis d’un constat simple : à Tahiti comme ailleurs, elle est à la fois omniprésente dans le débat public et particulièrement mal connue. Son évocation déclenche des réactions d’autant plus vives qu’elles se situent sur un plan émotionnel, voire passionnel. Pour autant, les réalités carcérales restent globalement méconnues du grand public, et il n’existait d’ailleurs jusque-là aucun travail académique publié sur ce sujet. Le propos de ce livre est donc d’abord d’apporter des connaissances sur les conditions de la privation de liberté à Tahiti. Si la prison fascine, c’est avant tout parce qu’elle fait peur, ce qui est précisément une de ses fonctions. Cette peur se situe à un double niveau : la peur de la prison, mais aussi la peur des criminels qu’elle héberge. Cette peur est régulièrement alimentée par la chronique quotidienne des faits divers sordides, qui tend à faire oublier que la réalité de la prison est avant tout celle de la cohabitation forcée de ceux que les médias décrivent comme des «?monstres?» avec des justiciables beaucoup moins extraordinaires : des hommes et des femmes reconnus coupables de petits vols, de petits trafics, de consommation de stupéfiants, d’infractions routières ou de corruption. Mais cette peur semble également alimentée par une ignorance des réalités de la vie en prison et par une méconnaissance des caractéristiques des détenus. Marie Salaün et Jacques Vernaudon ont donc décidé d’ouvrir la «?boîte noire?» pour que la vision parfois fantasmatique de la prison qui prévaut extra-muros et l’expérience de ceux qui la vivent intra-muros soient un peu moins dissonantes. Il faut bien convenir que le chaud et le froid soufflent simultanément sur la prison à Tahiti, dont l’histoire récente a été marquée par une inflation considérable de la population qu’elle abrite. Celle-ci a en effet été multipliée par cinq en 30 ans, passant de 120 détenus en 1990 à 600 en 2019. Si on a assisté à l’ouverture, en 2017, du centre de détention le plus moderne de la République française, Tatutu-Papeari, il faut garder en mémoire qu’il n’y a pas si longtemps, l’autre prison, celle de Nuutania, faisait la une de l’actualité en raison de ses conditions «?inhumaines et dégradantes?», pour reprendre les termes la Cour européenne des droits de l’homme. Le contraste est fort entre les deux établissements tahitiens, où a été menée l’enquête de terrain, auprès de trois types de public : des surveillants et conseillers d’insertion et de probation, des détenus, et leurs proches. D’autres professionnels, enseignants, psychiatres, magistrats, avocats, chargés des activités culturelles, etc., ont également été rencontrés dans ce cadre. Le corpus se compose ainsi : 12 entretiens avec des personnels de direction, personnels soignants, magistrats et avocats?; 43 entretiens avec des détenus, leurs familles, des personnels de surveillance, des personnels enseignants et des personnels du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Ce livre est divisé en quatre chapitres. Le premier, « Entre les murs : un ordre carcéral original », se propose d’exposer ce qui, en surface, fait la spécificité de la détention en Polynésie française au premier abord : une détention «?qui se passe bien?», en comparaison avec d’autres contextes, grâce à la qualité des relations qu’entretiennent personnels de surveillance et détenus. Pour aller au-delà de ce constat en trompe-l’œil, le deuxième chapitre, «?Je suis en détention?», livre ce que les détenus ont à dire de la manière dont ils vivent la réclusion inhérente à la privation de liberté, afin, entre autres choses, d’interroger la portée de l’amélioration des conditions de vie consécutive à l’ouverture du centre de détention de Tatutu-Papeari en 2017. Le troisième chapitre, « Derrière le numéro d’écrou », a pour ambition de présenter ce que l’on sait des caractéristiques générales de la population pénale en Polynésie française et d’entrer dans la complexité des trajectoires individuelles de quelques-uns des détenus pour mieux comprendre la singularité de leur histoire de vie. Le quatrième chapitre, « Les langues en prison : un malentendu persistant », explore l’usage du français et du tahitien en détention. Alors que le français est la seule langue officielle, le tahitien occupe une place importante dans une «?économie linguistique parallèle?» entretenue à la fois entre détenus, et entre détenus et surveillants. L’étude du vocabulaire et des choix linguistiques opérés pendant les entretiens conduit également à observer un hiatus entre l’économie morale sous-jacente au droit républicain français et celle des détenus. Les autres grandes questions auxquelles cette recherche entend répondre sont complexes : quelle est la pertinence d’une prise en charge spécifique pour les populations autochtones en Polynésie française?? Jusqu’où une prison façonnée sur le modèle métropolitain doit-elle prendre en compte les réalités sociales, culturelles et linguistiques locales pour mieux remplir sa fonction?? Quels éléments doivent, le cas échéant, être pris en compte par une politique d’adaptation à ces réalités?? Finalement, en décrivant ce que peut être l’expérience carcérale à partir de ce qu’en disent les détenus et ceux qui les prennent en charge, on comprend ce que nous dit la prison du fonctionnement de la société polynésienne aujourd’hui. Marie Salaün est anthropologue, professeure à l’Université Paris Cité Ses ancrages disciplinaires sont l’anthropologie sociale et culturelle, l’anthropologie de l’Océanie, l’anthropologie politique, l’anthropologie de l’éducation et l’histoire coloniale. Ses recherches portent sur la compréhension du rapport à l’Etat dans les contextes post-coloniaux du Pacifique insulaire. Confrontant revendications autochtones et réponses institutionnelles dans une perspective historique, ses travaux interrogent le mot d’ordre de « décolonisation » et la notion de « legs colonial » et ses déclinaisons locales en Nouvelle-Calédonie, à Hawaï et en Polynésie française, initialement en matière scolaire et désormais dans le champ pénal. Elle a été associée ou a dirigé de nombreux projets de recherche en Polynésie française depuis 2010 : École plurilingue outre-mer – ECOLPOM (2008-2011), L'enseignement renforcé du reo m??'ohi au cycle 3 comme prévention et lutte contre l'illettrisme en Polynésie française – ReoC3 (2011-2013), Le tahitien entre l’école et la famille : représentations et pratiques contemporaines des enfants en Polynésie française (2013-2014), Legs colonial et outre-mer autochtones : Kanak de Nouvelle-Calédonie, Amérindiens de Guyane et M??'ohi de Polynésie face à deux institutions de la République française – justice et école (2014-2018), Recherche sur la pertinence d’une prise en charge pénitentiaire spécifique en Outre-mer pour les populations autochtones. Nouvelle-Calédonie/Polynésie française (2018-2020), De la « dérogation » coloniale à « l’adaptation » postcoloniale : retour sur la peine et son exécution dans les collectivités du Pacifique français, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française (2022-2023). Elle a publié, entre autres : Décoloniser l’école ? Expériences contemporaines, Nouvelle-Calédonie, Hawaï (Presses universitaires de Rennes, 2013) et avec Émeline Le Plain, L’école ambiguë : histoires de familles à Tahiti (L’Harmattan, 2018). Jacques Vernaudon est linguiste, maître de conférences à l’Université de la Polynésie française depuis 2013, après avoir enseigné en Nouvelle-Calédonie pendant douze ans. Ces travaux s’articulent autour de deux axes complémentaires. Le premier est consacré à la description de langues océaniennes : des langues kanak de Nouvelle-Calédonie (plus particulièrement le drehu et le nengone) et des langues polynésiennes de Polynésie française. Le second axe concerne la transmission de ces langues dans des contextes plurilingues.
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Éditeur : AU VENT DES ILES
ISBN : 9782367345192
Parution : 2024