Éditeur : Editions Zoé
ISBN numérique PDF: 9782889072583
ISBN numérique ePub: 9782889072576
Parution : 2023
Catégorisation :
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Iris dans la prison dorée de son penthouse new-yorkais ; Ling en Chine, ouvrière d’une usine de poupées à taille humaine ; Ada Lovelace, fille de Lord Byron et mathématicienne de génie bien à l’étroit dans l’Angleterre victorienne : elles vivent à des époques et dans des lieux différents, mais toutes trois sont unies par un lien mystérieux, une quête commune qui les font braver l’ordre établi. Roman gigogne, Trois âmes sœurs brouille les frontières entre l’humain et la machine et bouleverse nos a priori sur l’intelligence artificielle. Pour acclamer le pouvoir de l’imagination et activer la mécanique de la désobéissance. Martina Clavadetscher, née en 1979, a étudié les lettres allemandes et la philosophie. Elle est aujourd’hui reconnue comme dramaturge, ses pièces de théâtre, beaucoup montées en Suisse alémanique et en Allemagne, sont souvent primées. Trois âmes sœurs est son deuxième roman, le premier traduit en français. Il a reçu le Prix suisse du livre en 2021. Voici un roman gigogne aux allures de science-fiction, dont on termine la lecture avec des images percutantes en tête : cette étrange usine où sont fabriquées des femmes de silicone ; la trajectoire fulgurante d’Ada Lovelace dans l’Angleterre victorienne, récit d’une femme visionnaire digne d’une « vie imaginaire » de Jean Echenoz ; ou ces dîners mondains dans un penthouse new-yorkais, dont l’atmosphère étrange et crépusculaire n’est pas sans rappeler celle des Androïdes rêvent-ils de montons électriques de Philip K. Dick. Trois âmes sœurs est un roman musical à la forme audacieuse. Clavadetscher, qui vient de l’écriture théâtrale, insuffle à sa langue un rythme singulier en découpant la prose en vers. Certains passages sont ainsi constitués de mots mis à la ligne, qui, entre poésie et mécanique, brouillent les pistes entre l’humain et la machine. Martina Clavadetscher renverse le schéma masculin de la femme créée uniquement pour assouvir un fantasme masculin (l’Eve future de Villiers de L’Isle-adam, Olympia d’E.T.H Hoffmann…) et imagine une sororité au-delà des genres humains-non humains. On pense bien sûr au Frankenstein de Mary Shelley, à laquelle il est fait une référence explicite (les convives d’Iris portent le nom des parents de Mary Shelley, Godwin et Wollstone). De son propre aveu, Martina Clavadetscher a d’ailleurs repris la construction gigogne du récit de Frankenstein, comme un hommage. Résumé Trois âmes sœurs se présente en trois parties, enchâssées à la manière des matriochkas. Il s’ouvre avec Iris, qui s’ennuie dans son penthouse de Manhattan en attendant le prochain dîner mondain. D’emblée, quelque chose intrigue : Iris entretient avec Eric, l’homme qui partage sa vie, une relation étrange, empreinte de violence et de domination, qu’Eric fait peser sur elle : « Éric s’approche et passe sa main sur son épaule, lui caresse la nuque et les cheveux. De la chaleur se crée. Il appelle cela du réconfort. Et, en effet, les choses deviennent plus simples, les pensées moins compliquées. » Au cours de ces soirées mondaines, des invités, toujours les mêmes, sont présents pour entendre les histoires d’Iris, toujours sous le contrôle d’Eric. Mais un soir, elle désobéit, et se lance dans un grand récit : « Iris reste calme en apparence, mais dans sa tête les connexions s’opèrent, de la matière oubliée resurgit et forme un motif fantastique, une trame nouvelle, un récit tissé qu’il ne reste plus qu’à déchiffrer. » Cette histoire forme la deuxième partie du roman, celle de Ling, la « demi-sœur » d’Iris. Employée dans une usine chinoise qui produit des poupées sexuelles, Ling est chargée de traquer les moindres défauts de fabrication sur leur corps de silicone : « Bonjour, je m’appelle Ling. N’aie pas peur, je vais te rendre immacule??e, chuchote-t-elle derrie?re son masque, et elle commence a? examiner le corps a? la recherche d’irre??gularite??s. Elle passe sa main sur la suture latérale, palpe lentement poignets, bras, côtes et cuisses, son regard clinique cherche des défectuosités, des résidus accidentels de l’opération de démoulage. (…) Quand elle en a fini avec la première femme, elle passe à la suivante, et ce corps de femme ne lui résiste pas davantage, ce corps obéit lui aussi et ressemble en cela à tous les autres. » Ling aime compter les pas et les secondes et déteste tout événement inattendu susceptible de dérégler le quotidien. Elle a appris à décoder les traits d’humour, à sourire ou rire quand il le faut ; à trouver aussi la bonne distance avec Jon B., le gardien de l’usine attachant et attentif, que Ling ne laisse pas indifférent. Bientôt, Ling sera appelée à quitter le secteur rassurant des corps dont il faut vérifier les mensurations et l’uniformité pour pénétrer dans celui des têtes : « Des yeux artificiels, sait Ling, et elle esquive les prunelles inanimées. Elle a horreur de ces microcosmes encapsulés, car quelque chose d’imprévisible luit à leur surface et elle ne serait pas étonnée si cette armée oculaire se mettait soudain à pleurer et noyait la pièce de ses larmes collectives. » Là, Ling découvrira alors que le développement de l’intelligence artificielle destinée à être implantée dans les poupées est bien plus avancé qu’on ne le prétend, et qu’il semble même échapper à tout contrôle humain. Cette IA, c’est Harmony, qui raconte la troisième histoire, le cœur du roman. L’histoire vraie d’Ada Lovelace, fille d’un Lord Byron très absent, qui grandit engoncée dans le carcan de l’Angleterre victorienne et rêve de grandes études et de machines à calculer. Elle parviendra contre vents et marées à étudier les mathématiques et signera même un article où elle expose sa théorie, considérée aujourd’hui comme le socle du langage informatique : « Des jours, des nuits durant, Ada chemine à travers des formes futures et voit le champ des possibles s’étendre devant elle comme dans un rêve, voit des automates de taille humaine capables de bouger, chanter, parler, calculer. » Entre ces trois femmes, Iris, Ling, Ada, le roman tisse un lien de sororité qui franchit les époques et dépeint la subtile mécanique de la désobéissance qu’elles activent, chacune à sa manière. Martina Clavadetscher est née en 1979, en Suisse alémanique. Elle a suivi des études de lettres allemandes et de philosophie avant de se faire un nom comme dramaturge. Ses pièces de théâtre sont souvent montées en Suisse et en Allemagne. Engagée comme dramatuge au théâtre de Lucerne pour la saison 2014/2015, elle y réalise sa première pièce « My only friend, the end », d’après une chanson de Jim Morrison. Suivront « Un sauvetage laborieux », en 2016 et « Les derniers Européens », en 2017. Son premier roman, « Knochenlieder » (non traduit en français), est très remarqué par la critique allemande. Martina Clavadetscher y déploie un style très personnel, fusion de poésie et d’écriture dramatique : les phrases sont hachées, les retours à la ligne nombreux pour donner un texte mélodique entêtant. Mais plus encore que son style singulier, c’est la nature de ses thématiques qui retient l’attention : le code informatique, le hacking et les jeux vidéos se mêlent à l’utopie d’un retour à une vie simple, en autarcie. Le rapport ambigu que l’humain entretient à la technologie se retrouve dans sa pièce « Madame Ada a des pensées inconvenantes », montée en 2019 au grand théâtre de Leipzig. On retrouve le personnage principal de cette pièce, la mathématicienne Ada Lovelace, dans son deuxième roman, le premier à être traduit en français sous le titre : Trois âmes sœurs. En 2022, elle publie le recueil « Sous les yeux de tous », dans lequel chaque nouvelle restitue le récit d’une femme représentée dans les tableaux les plus célèbres de l’histoire. Montée à Berne en janvier 2023, sa pièce This is a robbery, livre une version actualisée et féministe de la célèbre pièce de Schiller, Les Brigands. https://martinaclavadetscher.ch La traductrice Raphaëlle Lacord vit à Lausanne. Traductrice de romans, mais aussi de théâtre et de littérature pour la jeunesse, elle a collaboré au volume « Traductions » des Œuvres complètes de Gustave Roud (Zoé, 2022).
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Éditeur : Editions Zoé
ISBN : 9782889072576
Parution : 2023