Éditeur : Editions Zoé
ISBN numérique ePub: 9782889071807
ISBN numérique PDF: 9782889071814
Parution : 2023
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1951, Baldwin est le premier Noir qui séjourne à Leukerbad (Haut Valais, Suisse). Les enfants crient «Neger!», les gens le dévisagent : qui est cet Américain qui ressemble aux indigènes d’Afrique dont on finance la conversion, à l’église? Dans «Un étranger au village», texte virtuose et puissant, Baldwin décrit la rage et l’humiliation que les Noirs ressentent aux États-Unis et qui trouvent leur écho dans le racisme primaire de ce village au bout du monde. 2014, les émeutes de Ferguson viennent d’éclater après l’assassinat d’un Noir par un policier blanc. Depuis Leukerbad, Teju Cole dialogue avec Baldwin: les choses ont bien changé, mais le racisme persiste : «On est d'abord un corps noir, avant d'être un ado qui marche dans la rue, ou un professeur de Harvard qui a perdu ses clefs.» James Baldwin (1924-1987) est un des grands écrivains américains de sa génération, et un porte-parole du mouvement intégrationniste. Il a partagé sa vie entre les États-Unis et la France. Né en 1975, Teju Cole a grandi au Nigeria et vit à Brooklyn. Il écrit notamment pour le New York Times Magazine et est considéré comme un des grands écrivains et essayistes américains contemporains. Disponibles en français: Chaque jour appartient au voleur (Zoé, 2018) et Open City (Denoël, 2012, 10/18, 2014). Été 1951 : James Baldwin passe deux semaines dans le village de montagne de Leukerbad (Haut Valais), dans le chalet de famille de son amoureux. Il y vit l’expérience d’être le premier Noir à venir dans ce village exclusivement blanc : « Tout le monde au village connaît mon nom, bien qu’ils l’utilisent rarement, tout le monde sait que je viens d’Amérique – bien que ça, apparemment ils n’y croiront jamais tout à fait : les hommes noirs viennent d’Afrique – et tout le monde sait que je suis l’ami du fils d’une femme qui est née ici, et que je loge dans leur chalet. Mais je demeure le même total étranger que le jour de mon arrivée, et les enfants crient « Neger ! Neger ! » quand je marche dans les rues. […] Ils débordent de bonne humeur et les plus hardis sont tout gonflés de fierté quand je m’arrête pour leur parler. Pourtant, il y a des jours où je ne peux pas m’arrêter pour sourire, où je n’ai pas le cœur de jouer avec eux ; des jours où, à la vérité, je murmure aigrement pour moi-même, exactement comme je murmurais dans les rues d’une ville que ces enfants n’ont jamais vue, quand je n’étais pas plus grand qu’eux maintenant : « Ta mère était une négresse. » » Été 2014 : Teju Cole, en résidence littéraire à Zurich, est à Leukerbad, sur les traces de James Baldwin. Il n’est plus dévisagé dans la rue, les enfants n’essaient plus de toucher ses cheveux ; mais l’été 2014, ce sont les émeutes de Ferguson, qui ont éclaté après l’assassinat d’un Noir de 18 ans par un policier blanc. Dans Corps noir, Cole entame un dialogue avec Baldwin. Soixante ans les séparent, mais ils sont réunis par le lieu, et surtout par l’expérience du racisme. Ainsi, dans la baignoire de son somptueux hôtel avec vue sur le Dauberhorn, un blues de Bessie Smith aux oreilles et Chroniques d'un enfant du pays de Baldwin à la main, Cole vit « un instant de dédoublement » : « J'étais à Leukerbad, et cette voix de femme franchissait les années me séparant de 1929 ; et je suis noir comme cet homme ; et je suis mince comme lui ; et j'ai aussi la dent du bonheur ; et je ne suis pas spécialement grand (allez, disons-le : je suis petit) ; et je suis impassible à l'écrit et exalté dans la vie, sauf quand c'est l'inverse ; adolescent, je fus un prosélyte fervent (Baldwin : « Rien ne m'est arrivé depuis qui égale la puissance et la gloire que j'éprouvais parfois quand, au milieu d'un sermon, je sentais que, par quelque miracle, je transmettais, comme on disait, “le Verbe?? – quand je ne faisais plus qu'un avec l'Église »), jusqu'à ce que, moi aussi, je m'éloigne de l'Église ; et je considère New York comme mon chez-moi même quand je n'y vis pas ; et je me sens en tous lieux, de New York à la Suisse profonde, le dépositaire d'un corps noir, et je dois trouver le langage adapté à tout ce que cela signifie pour moi et pour les gens qui me regardent. L'espace d'un instant, l'ancêtre avait pris possession de son descendant. Ce fut un moment d'identification absolue. » Comme Baldwin, Teju Cole est cultivé, cosmopolite, ouvert sur le monde, et pourtant il expérimente au quotidien ce que son prédécesseur a si finement décrit dans son essai Un étranger au village : « Être noir, c'est subir tout le poids d'un maintien de l'ordre sélectif, c'est habiter une précarité mentale sans aucune garantie de sécurité. On est d'abord un corps noir, avant d'être un ado qui marche dans la rue, ou un professeur de Harvard qui a perdu ses clefs. » Cole souligne également l’importance et la symbolique du lieu, véritable pivot dans la réflexion de Baldwin, qui lui permet de prendre le recul nécessaire pour considérer la situation américaine : « Leukerbad a fourni à Baldwin le moyen d'analyser le suprémacisme blanc à partir de ses principes premiers, comme s'il l'y observait sous sa forme la plus élémentaire. […] « Si Leukerbad fut sa chaire, l'Amérique était sa paroisse. Ce village lointain lui offrit une vision plus nette de la situation dans son pays. À Leukerbad il était un étranger, mais, écrivait-il, il était impossible pour les Noirs d'être étrangers aux États-Unis, et pour les Blancs de concrétiser le fantasme d'une Amérique exclusivement blanche et purgée de ses Noirs. » James Baldwin James Baldwin est né en 1924 dans le quartier de Harlem à New York. Après avoir exercé divers petits métiers, il s’installe à Paris en 1948 pour plusieurs années. Au début des années 1950, Baldwin séjourne à trois reprises dans le village de Leukerbad (également appelé en français Loèche-les-Bains), dans le chalet familial de son amoureux d’alors. Il y donne notamment sa forme définitive à son œuvre la plus connue : son premier roman d’inspiration autobiographique Go Tell It on the Mountain (en français : La Conversion). En 1957, il regagne les États-Unis, où il se révèle comme le porte-parole du mouvement intégrationniste. Ses romans, nouvelles, poèmes, pièces de théâtre et essais (notamment son texte prophétique La prochaine fois, le feu (The Fire Next Time) en 1963) ont fait de lui l’un des plus grands écrivains américains de sa génération. James Baldwin a passé la majeure partie de sa vie en France. Il est mort à Saint-Paul-de-Vence le 30 novembre 1987. Sa traductrice : Marie Darrieussecq Marie Darrieussecq est écrivain et traductrice. Après son premier roman, Truismses (1996), mondialement salué, elle publie Il faut beaucoup aimer les hommes, lauréat du prix Médicis en 2013. Elle a notamment traduit en français Virginia Woolf, James Joyce et James Baldwin. Teju Cole Écrivain, historien de l’art et photographe, Teju Cole est né en 1975 aux États-Unis et a grandi au Nigeria, d’où ses parents sont originaires. Il vit aujourd’hui à Brooklyn. Il officie en tant que critique de photographie pour le New York Times Magazine, a notamment écrit pour le New York Times, the New Yorker, Granta et Brick. Il est aujourd’hui considéré comme un des grands écrivains et essayistes américains. Parmi ses livres disponibles en français, Chaque jour appartient au voleur (Zoé, 2018), Livre de l’année 2014 par le New York Times, le Globe and Mail, la National Public Radio et le Telegraph, et Open City (Denoël, 2012, 10/18, 2014), qui a notamment remporté le PEN/Hemingway Award et le New York City Book Award for Fiction. Son traducteur : Serge Chauvin Professeur à l'université de Nanterre, ancien critique aux Inrockuptibles et à la NRF, Serge Chauvin est spécialiste de littérature et de cinéma américains. Il est notamment le traducteur de Jonathan Coe, Colson Whitehead, Zadie Smith et Richard Powers.
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Éditeur : Editions Zoé
ISBN : 9782889071814
Parution : 2023